Ancienne coutume Uissane

Une lettre de Georges de Layens, écrite à sa nièce le 8 décembre 1873 (voir l’article l’ermite d’Huez)
Donnera une idée de certaines coutumes du pays à cette époque :

Huez en Oisans

«Tu me demandes de te parler des fêtes de la Toussaint à Huez. Je vais te raconter ce que j’ai vu.
«D’abord, il faut te dire que c’est ici le pays des sonneries de cloches.

«Le dimanche, pour annoncer la messe, qui commence à dix heures, on sonne à huit heures, puis à neuf heures, puis un peu avant dix heures et, après cette dernière sonnerie, on tinte ce qu’on appelle les trente coups, et cela veut dire que la messe va bientôt être célébrée. Alors, le prêtre va à l’autel et récite la passion ; pendant tout ce temps on tinte encore. Enfin, au véritable commencement de la messe on sonne les trois coups ; puis on sonne encore plusieurs fois pendant la messe et à la fin.

Eglise d'Huez


«Mais la veille du jour des morts, la sonnerie est une affaire autrement grave. Le sonneur, et son frère, le garde, chargent un mulet de liquides et de solides et se dirigent vers Saint-Ferréol, à un quart d’heure au-dessous d’Huez. Saint-Ferréol c’est l’ancien clocher de la vieille église d’Huez, car à la suite d’incendies et d’avalanches le village s’est déplacé ; c’est là que sont les grosses cloches, qui sonnent en plus des autres non seulement pour les grandes fêtes, mais pour tout enterrement, baptêmes ou mariage. Aucune de ces cérémonies ne peut avoir lieu sans les cloches de Saint-Ferréol.

Eglise Saint Ferréol

«A quatre heures du soir, les grosses cloches commencent à retentir et, de cinq en cinq minutes, la sonnerie reprend, sans discontinuer, jusqu’au lendemain à dix heures du matin, heure à laquelle la rage de sonner arrive à son comble, par suite des vapeurs vineuses qui se sont concentrées toute la nuit dans le cerveau du sonneur et dans celui de son honorable frère.

«Mais s’ils sonnent ainsi alternativement pendant dix-huit heures de suite, ils sont largement payés de leur peine, car cette seule sonnerie leur permet de vivre pour rien pendant la moitié de l’année. En effet, pour eux, l’après-midi du lendemain est consacrée à aller de porte à porte recueillir l’offrande que chacun leur donne en argent ou, plus souvent, en nature.



«Le soir du jour des morts, il est de toute nécessité que chaque habitant d’Huez mange des «creusets», et j’ai été invité à venir prendre ma part. Les creusets sont des boules de farine cuites dans l’eau, et ensuite dans du beurre ; c’est horriblement mauvais, mais il m’a fallu en manger un grand nombre, et faire bonne mine en les avalant.

«Un usage, qui était encore général il y a vingt ans ou trente ans, était de mettre, le soir, à chaque fenêtre de toute les maisons, un plat de creusets que les morts devaient manger pendant la nuit, et qui servaient de régal aux enfants dès le premier matin. Il n’y a plus que quelques maisons qui donnent ainsi leur repas annuel aux trépassés.»

Georges de Layens

Source Dauphiné Jeudi 30 Juin 1898 n°2012 Gaston Bonnier ADI PER969/13