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Le postillon de La Grave

mardi 27 mai 2014

L’indépendant de Mascara 06 11 1884
Le Réveil du Dauphiné nous en conte une bien bonne :

Un postillon.
Mes amis, écoutez l’histoire
D’un jeune et galant postillon :
C’est véridique, on peut m’en croire,
Et connu de tout le canton.

Depuis trois ans environ,
l’omnibus de La Grave était conduit par un jeune homme de seize à dix-sept ans,
beau garçon, plein d’ardeur.
Nul mieux que lui n’excellait en l’art de refréner de fougueux chevaux,
et de diriger d’un air sûr un attelage pénible.
Sous sa main frémissante, les coursiers tressaillaient et brûlaient le pavé à sa voix mâle et sonore.
Et puis, c’était un galant jouvenceau.

Quand il passait dans un village,
Tout le beau sexe était ravi.
Et le cœur de la plus sauvage
Galopait en groupe avec lui.

Que de fois, hélas ! Ne l’a-t-on pas surpris, auprès des fillettes de la fabrique,
courtisant et la blonde et la brune !
Mais, hâtons-nous de le dire, c’était un serviteur exemplaire ;
on peut-être un honnête homme tout en ayant un cœur.
Avoir un cœur ! Le gentil postillon en avait un, — un cœur brûlant, ardent, un brasier,
ainsi qu’on va le voir.
Figurez-vous qu’il y a cinq ou six jours, le conducteur de la susdite voiture disparut subito.
L’omnibus de La Grave restait en détresse à la remise, sans vie et sans boussole.
On manda le postillon. Qu’était-il devenu ?
O surprise ! ô stupeur ! ô inénarrable aventure !…
Chastes oreilles, détournez la tête ; vierges, baissez les yeux !
Le postillon du Bourg d’Oisans, le fier, l’élégant, le svelte, l’adoré postillon…
était devenu mère d’un gros garçon.

On ajoute même qu’il va le nourrir.
La mère et l’enfant se portent bien.
Ce postillon était une femme !…

Nous l’avions deviné ! Merci, mon Dieu !