Le Docteur Girard
Les Alpes Pittoresques n° 45 du 30 septembre – 1er octobre 1903 : ADI 35/ 3
Les écossais dans les Alpes : L’association Franco-Ecossaise :
– Parmi les promenades les plus intéressantes… et surtout, le passage au Bourg d’Oisans, où M. le docteur Girard, son sympathique maire, avait préparé une pittoresque réception, qui fut pour les illustres touristes la plus agréable des surprises.
De la très intéressante conférence du docteur Girard, à cette occasion, nous détachons, du reste, cette jolie peinture ethnographique.
( Les habitants de l’Oisans : )
« Ils appartiennent à une race forte, d’origine celtique, mélangée de quelques Burgondes attirés, comme colons par les Romains, et de Sarrazins chassés dans nos montagnes par les victoires de Charles Martel. Depuis l’origine des temps, ils ont dû se défendre contre les hommes et plus particulièrement et pendant des siècles, contre les Savoyards, leurs preux voisins, devenus aujourd’hui de bons amis. »
« Ils ont dû lutter aussi, et surtout, contre les caprices et souvent les fureurs d’une maîtresse redoutable et redoutée mais toujours adorée par eux, la montagne. »
« Obéissant aux lois de physiologie générale, ils se sont adaptés au milieu qu’ils habitent, et leur caractère est fait de contrastes. »
« Ils sont rudes comme les montagnes qu’ils habitent, mais ils cachent dans leurs c?urs des trésors de bonté, comme ces dernières cachent des oasis de verdure. »
« Les spectacles grandioses qu’ils ont constamment sous les yeux les rendent contemplatifs, mais la pierre qui roule et menace leur existence, le torrent et l’avalanche qui descend avec fracas, les arrachent à leurs rêveries. »
« Chaque pas mal assujetti dans leur marche peut entraîner une catastrophe : ils sont donc prudents et attentifs ; mais ils apprennent chaque jour que la peur et le vertige peuvent entraîner dans l’abîme : ils deviennent audacieux. »
« Ils savent que le chemin est souvent rude et malaisé, mais qu’en se décourageant pas, on arrive toujours: ils sont patients et tenaces. »
« Pour aller d’un point à un autre, ils constatent qu’en montagne, ce n’est point comme en géométrie, et que la ligne droite n’est pas toujours le plus court chemin d’un point à un autre; ils sont avisés. »
« La récolte arrachée au sol leur a coûté tant de peine et il leur a fallut tant de travail pour conquérir leurs terres sur les torrents et les éboulis, qu’ils sont devenus économes et qu’ils défendent âprement leurs propriétés. »
« Ces empreintes fixées par la nature qui les entoure sur le caractère des gens de l’Oisans en ont fait une race forte, très originale, et qui mérite l’attention du psychologue et du penseur… »