Légende Uissane
lundi 20 décembre 2010Le chien de Jehan d’Arnold,
Ceci se passe à Brandes, un soir de Noël d ’il y a bien longtemps.
Le vaste plateau, blanc de neige, s’étend sous la nuit silencieuse et sombre. Les cabanes sont bien closes. Nul bruit. Les heures s’écoulent lentement.
Soudain s’élève la voix d’une clochette. Alors, des portes s’entrouvrent, des ombres qui portent une lumière s’en vont le long du sentier creusé dans la neige et s’acheminent peu à peu vers la petite chapelle de Saint-Nicolas où s’allument des lueurs.
Un à un, les paysans, femmes au long manteau, hommes au visage rude, enfants tout ensommeillés encore, pénètrent dans l’église et s’agenouillent dévotement.
La messe va commencer, quand la porte s’ouvre sous une poussée énergique. Les paysans se lèvent et saluent en silence.
C’est le prince, le seigneur du château qui dresse sa tour au-dessus des chaumières. Jehan d’Arnold s’est vêtu ce soir en fier chevalier et sa cotte de maille étincelle. Il se tient droit devant le prie-Dieu seigneurial, les bras croisés, et les petits enfants le regardent effrayés.
Le murmure des prières s’élève et berce les âmes naïves qui l’écoutent. Une grande paix étreint les cœurs. C’est Noël.
Les têtes s’inclinaient sous une muette adoration, quand un coup frappé à la porte les fait brusquement se relever. Le seigneur tressaille.
C’est le signal d’alarme convenu entre lui et son écuyer qui garde le château pendant son absence. Il sort. L’écuyer est là avec le chien de son maître.
«Seigneur les loups !… Ils ont hurlé tout prés, ce soir. Le chien bondit autour de Jehan et lui lèche les mains.
«Allons!» dit le prince, et, suivi de son chien et du serviteur, s’en fut dans la nuit sombre combattre les loups.
Onques ne les revit.
Était-ce le diable qui, prenant le visage de l’écuyer, était venu le chercher ?
On ne sut jamais, mais ce que l’on sait bien, c’est que chaque soir de Noël, le chien de Jehan d’Arnold revient à Brandes, et, là dressé sur les ruines de la chapelle, sous la nuit silencieuse et sombre, longuement il pleure son maître.