Correspondance Chritolette
Qu’il se rassure, le cher homme, les montagnard de l’Oisans, aussi avancé par le coeur et le caractère que peut-être l’Anglais lui-même, n’est pas plus sauvage que lui, c’est un enfant de cette belle France qu’il trouve partout ailleurs si gracieuse, et que dans les Alpes il devrait trouver si majestueuse et si grande. Quoique moins bien partagé que d’autres pour la résidence, le montagnard s’en contente, et ne changerait pas ses rochers et ses montagnes contre les parcs et les châteaux d’Angleterre. Il aime son lieu natal, tout ingrat qu’il est pour lui ; il vit souvent plus heureux que celui qui habite les villes ; et fier d’une existence médiocre et pénible, qui demande tout au travail, il dédaigne les commisérations de ceux qui le plaignent sans le connaître.L’Anglais pourra-t-il s’étonner, après cela, si l’habitant de l’Oisans s’indigne de ce qu’un étranger traite de hideux le pays où il a vu le jour et où il trouve le bonheur ? Je dois l’excuser néanmoins, parce que, en sa qualité d’Anglais, il peut ne pas avoir compris toute la portée de ce mot.
S’il l’eût comprise, oserait-il, protestant ou catholique, traiter de hideux les grands spectacles que Dieu a créés sur les Alpes ?
Ce voyageur est le premier, du reste, qui apprécie d’une façon si étrange l’Oisans et son imposante nature.
S’il tient à éclairer son jugement à cet égard, qu’il consulte les écrits des savants, les récits des voyageurs distingués qui, dès longtemps, sont venus le visiter. Tous ont eu, pour cette contrée si curieuse qu’il déprécie, des paroles d’admiration et de grandeur. Qu’il demande leur avis à ses honorables compatriotes qui tous les ans viennent le parcourir. Plusieurs d’entre eux y sont venus cette année pour la quatrième ou la cinquième fois. Reviendraient-ils si souvent, si c’était pour contempler le hideux !
Au mois d’août dernier, des Messieurs et Dames de Lyon et de Paris ont voulu aussi connaître l’Oisans, St.-Christophe, la Bérarde. A leur retour, tous paraissaient enchantés de leur course ; et quand on demandait aux dames leurs impressions sur tel ou tel point plus effrayant que les autres, sur le Clapier entre autres, elles n’avaient d’autre réponse que celle-ci : C’est tout bonnement admirable !
L’Anglais serait-il plus difficile ou plus délicat que ces dames, ou s’y connaîtrait-il moins qu’elles en fait de montagnes ?
Ce n’est pas tout, ce voyageur se plaint que l’Oisans, dont l’aspect a choqué ses regards, est dans un dénuement absolu.